Hôpital de campagne au Bangladesh

Deux infirmières racontent leur engagement .

C’est l’une des plus graves crises humanitaires qu’ait connues l’Asie du Sud au cours des dernières décennies: en l’espace d’une quinzaine de mois, des centaines de milliers d’habitants de l’Etat de Rakhine, au Myanmar, ont gagné le Bangladesh pour échapper aux violences. Aujourd’hui, les gigantesques camps de réfugiés situés à proximité de la ville de Cox’s Bazar accueillent plus d’un million de personnes. La possibilité d’un retour au Myanmar reste incertaine, et les perspectives au Bangladesh ne sont guère plus encourageantes.

Dès les prémices de la crise, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a ouvert un hôpital de campagne à Cox’s Bazar afin d’assurer la prise en charge des nouveaux arrivants, souvent à bout de forces et traumatisés. 

De son côté, la Croix-Rouge suisse (CRS) a déployé 24 spécialistes de son pool d’aide d’urgence: des logisticiens, mais surtout des professionnels de la santé, qui ont effectué un total de 31 missions de plusieurs semaines.  Voilà les récits des deux Infirmières Romy Büsser et Manuela Bieri.

« En l’absence de soins, les choses auraient pu évoluer d’une tout autre manière »

Romy Büsser, infirmière de la CRS, est intervenue au Bangladesh au Cox's Bazar. De retour en Suisse depuis peu, elle revient sur son quotidien à l'hôpital de campagne.

«Sur la photo, le nouveau-né a 11 jours. Sa tante s’est présentée avec lui à l’hôpital de campagne de Cox’s Bazar au motif qu’il avait une inflammation de l’ombilic et des vomissements récurrents. Au premier examen, le bébé nous est apparu bien portant et robuste, mais sale et négligé. Avant toute chose, je lui ai donné un bain – vraisemblablement le premier de sa vie. J’ai ensuite soigneusement nettoyé son nombril. Je n’ai relevé aucun signe d’inflammation: l’enfant n’avait tout simplement jamais été lavé.

Avec l’aide d’un interprète, nous avons fini par connaître l’histoire de la petite. Elle est orpheline: sa mère est morte pendant l’accouchement, et son père a péri avant même la fuite de la famille du Myanmar. Le bébé a été recueilli par sa tante, qui n’a pas d’enfant. Celle-ci l’a nourri avec un lait destiné à des enfants plus âgés, d’où ses vomissements incessants.

Les intervenants qui coordonnent ici le soutien psychosocial dans le camp ont initié la tante aux soins du nourrisson et lui ont procuré des vêtements, du lait infantile et un biberon. Après deux nuits, tante et nièce ont pu quitter le dispensaire. Dès l’administration d’un lait adapté, les vomissements ont cessé définitivement.

J’ai été touchée par la confiance et la reconnaissance avec lesquelles cette femme s’en est remise à nous. Heureusement qu’elle a pris l’initiative de venir! Une infection ombilicale a ainsi pu être évitée au nouveau-né. En l’absence de soins, les choses auraient pu évoluer d’une tout autre manière.

Un petit exemple qui illustre les moyens simples par lesquels nous pouvons intervenir auprès des réfugiés.»

Le bremier bain dans la vie (Image: CRS, Romy Büsser).

Le bremier bain dans la vie (Image: CRS, Romy Büsser).

Romy Büsser avec le nouveau-né (Image: CRS, Romy Büsser).

Romy Büsser avec le nouveau-né (Image: CRS, Romy Büsser).

Romy Büsser avec le nouveau-né (Image: CRS, Romy Büsser).

Bild: IFRC

Bild: IFRC

Bild: IFRC

Bild: IFRC

Bild: IFRC

Bild: IFRC

« Je m’endormais parfois sans avoir ôté mon oreillette et me remettais directement au travail le lendemain matin. »

Manuela Bieri Manuela Bieri, infirmière de la CRS, s’est rendue sur place à deux reprises.

«Mes deux missions à l’hôpital de campagne de Cox’s Bazar ont été très différentes l’une de l’autre. Lors de mon premier engagement, nous recueillions chaque jour de nouveaux arrivants en provenance du Myanmar. Anciennes blessures par balles, traumatismes, opérations gynécologiques d’urgence, prise en charge d’autres séquelles de la fuite étaient notre lot quotidien. La charge de travail était énorme, et nous étions généralement mobilisés sept jours sur sept. Ce fut une période intense. Il m’est arrivé de m’endormir sans même ôter mon oreillette et de me remettre directement au travail le lendemain matin.

Le Bangladesh m’a réservé quelques surprises. En janvier, par exemple, la température descendait souvent en dessous de zéro la nuit. Je ne m’y attendais pas! Mon séjour a aussi été très enrichissant d'un point de vue professionnel. Ainsi, il nous arrivait souvent de traiter des plaies avec du miel ou du sucre, aux propriétés antiseptiques.

Ma seconde mission s’est déroulée tout autrement. Cette fois-ci, les soins aux patients ne figuraient pas parmi mes tâches principales. Je me suis davantage concentrée sur la formation des soignants locaux. J’ai dû en quelque sorte m’effacer et leur laisser prendre les choses en mains. Cela n’a pas toujours été facile pour moi!

Le principal défi lors de mes deux missions a été de m’adapter aux particularismes culturels de la région. Par exemple, impossible d’opérer une femme ou un enfant sans obtenir préalablement l’assentiment du mari ou d’un proche parent. Un jour, nous avons dû renvoyer chez lui un garçon de 13 ans qui souffrait d’une crise d’appendicite. Son père ne nous estimait en effet pas capables d’aider son fils. Il a préféré faire appel à un guérisseur traditionnel. La démarche ayant échoué, la famille est heureusement revenue à l’hôpital de campagne, où nous avons finalement pu opérer le jeune patient.»

Manuela Bieri, infirmière de la CRS (Image: Manuela Bieri).

Manuela Bieri, infirmière de la CRS (Image: Manuela Bieri).

En l’espace d’une quinzaine de mois, des centaines de milliers d’habitants de l’Etat de Rakhine, au Myanmar, ont gagné le Bangladesh pour échapper aux violences (Image: FICR).

En l’espace d’une quinzaine de mois, des centaines de milliers d’habitants de l’Etat de Rakhine, au Myanmar, ont gagné le Bangladesh pour échapper aux violences (Image: FICR).